UN RESEAU CITOYEN AU SERVICE DE LA BOTANIQUE
Biodiversité, jardins solidaires, développement
durable, jardinage urbain et jardins mobiles… Dans une société tournée de plus
en plus vers des valeurs écologiques, Tela Botanica propose à tous d’être
acteurs en participant à l’étude et la préservation de notre environnement.
Bienvenue dans le monde de la botanique et du Web 2.0. !
A la fois encyclopédie et
réseau social, le site Tela Botanica est unique en son genre dans le domaine de
la botanique.
Aujourd’hui jeune retraité de
60 ans dans la région d’Avignon, Daniel Mathieu crée l’association Tela Botanica
en 1999. « Cette élaboration est le
croisement de mes différentes compétences : informatique et Internet,
connaissance du milieu associatif et passion pour les questions
environnementales et la botanique ». Il prend conscience qu’il
n’existe pas grand-chose sur Internet dans le domaine de la botanique
francophone. « L’information était
dispersée et il n’ y avait pas ou peu de communication. Tout était à
faire ! ».
Vulgarisation et observation
Ruddy Bénézet, informaticien
à Nîmes, a découvert Tela Botanica en recherchant des noms de plantes sur
Internet. « Le principe m’a tout de
suite intéressé. Je m’y suis inscrit… C’était il y a 5 ans ». Il participe à plusieurs projets de
reconnaissance de plantes et de l’inventaire des espèces végétales communes. « C’est en collaboration avec le Muséum
National d’Histoire Naturelle. Ce projet s’appelle Vigie-flore ». Très
actif, Ruddy Bénézet s’occupe de forums sur Internet, et a fait des exposés
lors de cours organisés à Montpellier sur la botanique. « Mon action prioritaire, c’est la promotion de la
botanique ! J’aimerais intéresser les gamins dans les écoles. Apprendre à
nommer une plante c’est déjà la respecter ».
Ingénieur chimiste, Daniel
Mathieu n’était pas reconnu comme botaniste. Pour créer Tela Botanica, il
s’associe à la Société Botanique de France. « Elle
nous a apporté une légitimité. D’autres partenaires ont aussi été sollicités
comme la « Garance voyageuse », seule revue ethno-botanique, et un
bureau d’études de l’environnement à Metz, Biotope. Ensemble, nous avons défini
l’éthique du réseau : travailler seulement par Internet et sur un mode
collaboratif en échangeant librement les connaissances avec le plus grand
nombre. Nous avons pris à contrepied les principes de ce milieu ! ».
Choisir Internet en 1999
n’était pas évident : cette bonne anticipation de ce mode de communication
et de sa démocratisation a permis à Tela Botanica de se développer et de
s’installer durablement. « Pour
démarrer économiquement, nous avons bénéficié des emplois-jeunes et de l’aide
de sponsors comme Yves Rocher et les Jardineries Botanic », se
rappelle le fondateur.
L’équipe de 17 salariés –
d’une moyenne d’âge de 30 ans - travaille dans des locaux installés dans
l'institut de botanique de l’Université Montpellier 2. Daniel Mathieu est
président du Conseil d’Administration depuis 1999 et Christel Vignau est la directrice. « Aujourd’hui,
nous avons plus de 19000 membres : 50% sont des amateurs – dont 30% ont
des métiers n’ayant aucun rapport avec la botanique - et 50% des professionnels,
botanistes et scientifiques. Le nombre de connexions par jour se situe entre
8000 et 10000. Ce site, c’est autant notre outil de communication que notre
outil de travail ».
Un des grand succès du site
est la mise en ligne de l’actualité de la communauté botanique. « Les membres du réseau font de la
veille informative et nous font un compte-rendu », se réjouit Daniel
Mathieu. « Nous avons ainsi en
lignes une quinzaine d’articles par semaine très divers à propos de livres, de
colloques, etc… Nous affichons aussi de nombreuses offres d’emploi ».
Le réseau Tela Botanica veut
être un vecteur de vulgarisation de la botanique pour un public citoyen et
apporter une aide aux chercheurs en rassemblant des données. Pour mener à bien
ces actions, deux programmes parmi d’autres sont particulièrement intéressants :
« Les Sauvages de ma rue » et l’ « Observatoire des
Saisons ».
Sciences participatives et citoyennes
Et si les citadins
s’intéressaient à la biodiversité ? Jérémy Salinier – double compétence
en horticulture et gestion
de projet - anime le programme dédié au milieu
urbain en partenariat avec le Museum national d’Histoire Naturelle de Paris.
« Les sauvages de ma rue » propose
« aux citadins, un protocole simple
pour recenser la flore sauvage dans leur quartier. Aucun recensement de données
n’existe. C’est à travers notre page
Facebook, Twitter, la lettre d’actualités diffusée auprès des membres, la
collaboration avec le Muséum national d’Histoire Naturelle que les
connaissances s’échangent ».
Trente
botanistes ont travaillé avec Jérémy Salinier à la réalisation d’un livre sur la
flore urbaine sous la direction du Muséum et édité en juin 2012. « C’est
pour le grand public et nous le voulions le plus accessible possible ».
Le programme veut aussi
toucher les municipalités, les faire réfléchir sur l’emploi de pesticides et
leur faire accepter les plantes sauvages en ville comme les mauvaises herbes.
Roland et Jean-François en
sont deux membres actifs : le premier vit dans le 20ème
arrondissement de Paris et le second en banlieue toulousaine.
Déjà investi dans une
association de jardins partagés, Roland Le Boucher, retraité de la Lyonnaise
des Eaux, se consacre aussi à sa passion pour l’ornithologie. « Je fais le comptage des oiseaux au
Père Lachaise, au Bois de Vincennes, au Jardin des Plantes, dans mon jardin. Je
fais un rapport régulier à Tela Botanica ».
A Balma, Jean-François
Rouffet, fait, lui aussi, l’inventaire de la flore et de la faune – oiseaux et
écureuils. « J’habite à la limite
entre le milieu urbain et rural, c’est un environnement particulier de prairies
humides. Tela Botanica a organisé une journée au Muséum d’Histoire Naturelle de
Toulouse pour présenter le réseau et les carnets en ligne qui permettent de
collecter nos données directement sur le site. Des gens de l’Ariège, du Lot,
des botanistes étaient présents. A la suite de cette journée nous avons créé un
forum. C’est très stimulant ».
Ruddy Bénézet résume le
travail des tous les botanistes
amateurs : « On recherche tout
le temps. Du bout de garrigues derrière chez moi à l’herbe microscopique
trouvée sous une pierre des Costières dont j'essaye de faire la détermination
avec les botanistes de Tela Botanica. Un Palmier mal identifié dont j'adresse
une photo à un spécialiste....C’est devenu une seconde nature ! ».
L’ « Observatoire
des saisons » a débuté en 2007 à l’initiative d’Isabelle Chuine du
CNRS/CEFE de Montpellier. Il représente, aujourd’hui, 2500 inscrits et 100
personnes sur le terrain qui surveillent les changements climatiques et
collectent les données sur la faune et la flore. Jennifer Carré est la coordinatrice de ce programme. « Il s’agit de sensibiliser les citoyens et d’étudier les
modifications de l’écosystème dues à l’évolution du climat. Il existe une véritable émulation entre les bénévoles qui
récoltent les données et le groupement de chercheurs qui les analyse ».
Des journées de
formation – présentation du
programme et du protocole, mise en situation sur le terrain, réflexions
pédagogiques – sont organisées régulièrement.
Parmi les trois associations partenaires,
Planète Sciences apporte les outils pédagogiques pour les actions auprès des
écoles.
Séverine Marcq, 33 ans, est
médiatrice scientifique à Mourenx (64). « Ma
mission est de vulgariser la science par des expositions, des animations, des
rencontres avec des chercheurs auprès des scolaires et du grand public dans les
Landes et les Pyrénées-Atlantiques ». C’est par ce biais qu’elle a
connu l’Observatoire des Saisons. « Depuis
5 ans, je propose le projet à des établissements scolaires. Chaque année, j’ai
entre 5 et 10 classes, de l’école primaire au lycée : mise en place du
protocole et des premières observations en octobre jusqu’à l’analyse en fin d’année. Entre temps, nous travaillons sur le
changement climatique de manière plus générale. Les enseignants eux-mêmes sont
libres d'enrichir à volonté le projet en y associant des expériences en
biologie, des notions d'histoire, de géographie...
Cette année, je travaille avec l'atelier
scientifique d'un collège des Landes qui va participer au concours "C génial"
avec le projet ».
Et demain ?
Après s’être investi « à plus de 100% » dans la création
et le développement de Tela Botanica, « ça
a été un choix de vie », Daniel Mathieu se consacre essentiellement
aux conférences, à la relation avec les partenaires et la recherche de nouveaux
soutiens. « Je fais une dizaine de
conférences par an avec des salariés de Tela. L’une des dernières était à Madrid lors d’un colloque sur la
biodiversité. J’ai dû me remettre à l’anglais ! Ces interventions me
permettent de parler du travail collaboratif et de nos programmes, de faire des
rencontres bien sûr ».
Parmi les objectifs, la
recherche de nouveaux financements tient une place importante. « Nous sommes soutenus par le ministère
de l’Ecologie, des collectivités territoriales, des fondations comme Nature
& Découverte ou l’Institut Klorane, des entreprises, des donateurs divers…
Parmi nos
partenaires on compte des parcs naturels régionaux, le CNRS, des laboratoires
de recherche et des conservatoires botaniques ». Daniel Mathieu
souhaiterait aussi élargir les partenariats avec les organisations agricoles et
s’ouvrir plus largement sur l’international.
Pour les années à venir, le
pari reste de développer encore le
nombre de botanistes amateurs, élargir le public, développer des outils
informatiques pour la collecte et l’identification de la flore.
Tela Botanica couvre déjà la France et
quelques pays d’Europe francophones. Mais cherche à délocaliser encore plus le réseau et à former des relais, en s'appuyant sur les associations
naturalistes dans toutes les régions de France.
"Tela Botanica est aussi
tourné vers l’Afrique du nord", ajoute Daniel Mathieu. "Beaucoup de nos membres vivent au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Nous
voudrions développer le réseau avec leurs universités".
Isabelle Oval